Formation continue inclusive: facteurs de réussite et obstacles à sa réalisation
Les données et analyses actuelles montrent que, malgré les obligations et un besoin réel, la Suisse a encore un long chemin à parcourir pour parvenir à un paysage inclusif de la formation continue. Travail.Suisse Formation TSF et l’Association des Universités Populaires Suisses AUPS ont réalisé conjointement le projet pilote «Formation inclusive» qui vise à aider les acteurs de la formation continue à rendre leurs offres accessibles aux personnes malvoyantes. L’évaluation de ce projet pilote fait ressortir les principaux défis et facteurs de réussite d’une formation continue inclusive. Des questions se posent quant aux conditions-cadres appropriées qui font actuellement défaut (niveau du système), à la volonté d’inclusion et aux mentalités à cet égard ainsi qu’aux compétences d’inclusion (niveau de l’organisation et de l’individu).
Obligations et besoins d’inclusion face à la réalité
Selon les bases et obligations légales, la Suisse est tenue d’assurer l’égalité de traitement des personnes en situation de handicap et de supprimer les désavantages que cela suppose, que ce soit sur le lieu de travail, pour accéder aux informations, dans le domaine de l’éducation et notamment dans la formation continue. Depuis 2014, la Suisse a pour objectif de mettre en place un système inclusif englobant tous les niveaux de formation, conformément à la Convention de l’ONU relative aux droits des personnes handicapées (CDPH). Lors de la procédure d’examen de 2022, le Comité de l’ONU s’est montré une nouvelle fois préoccupé par le manque de stratégie globale en matière d’éducation inclusive et par le nombre élevé de modèles d’éducation ségrégative, qui entravent durablement l’inclusion sociale des personnes en situation de handicap en Suisse (cf. Committee on the Rights of Persons with Disabilities 2022, p. 11).
Des études et des rapports montrent que dans la formation continue, nous sommes encore bien loin de l’inclusion: ainsi, le Rapport sur l’éducation 2023 a mis en lumière une nette disparité entre les personnes «avec ou sans limitation» concernant leur participation à la formation continue, situation qui ne s’est guère améliorée au cours des dernières années (cf. CSRE 2023, p. 357).
Obstacles à la participation du point de vue des (non-)participants en situation de handicap
L’indice de l’inclusion publié en septembre 2023 par Pro Infirmis est également révélateur: en Suisse, deux personnes sur trois en situation de handicap se sentent limitées dans leurs possibilités de formation initiale et continue. Elles évoquent les obstacles suivants (Pro Infirmis 2023, p. 18):
- raisons financières
- trajet trop difficile
- conditions d’apprentissage non adaptées
- crainte de ne pas être à la hauteur
- manque d’accessibilité
- manque d’assistance
- crainte d’exclusion sociale
- autres raisons
Les obstacles cités mettent en évidence que les prestataires de formation continue jouent un rôle clé pour aire progresser la formation continue inclusive. Ceci implique notamment d’adapter les conditions d’apprentissage ou l’accessibilité des lieux de formation. Mais pour réduire les inhibitions (supposément) individuelles telles que la «crainte de ne pas être à la hauteur» ou la «crainte d’exclusion sociale», on pourrait imaginer des offres de formation continue totalement inclusives. Au niveau des raisons financières, en revanche, ce sont d’autres acteurs qui sont sollicités. Ainsi, il convient de discuter par exemple d’un soutien public aux offres d’apprentissage inclusives pour adultes, qui porterait sur la personne participante ou l’offre.
Besoin de formation continue confirmé
Le besoin d’offres de formation inclusives manifesté par les personnes en situation de handicap est considéré comme un fait établi. Pour les personnes avec un handicap sensoriel (handicap visuel ou auditif), des études suisses montrent que les formations continues constituent un facteur important de positionnement professionnel. Ainsi, une étude sur la vie professionnelle des personnes aveugles et malvoyantes conclut que la participation à des formations continues qui renforcent les compétences professionnelles est propice à la réussite professionnelle, tandis que la non-participation ou la participation à des formations continues spécifiques au handicap ont un effet plutôt défavorable (cf. Johner-Kobi et al. 2015, p. 40). Une étude sur la situation des personnes sourdes et malentendantes sur le marché du travail parvient, elle aussi, à des conclusions similaires. On y fait le lien entre la formation continue et les possibilités de promotion: les personnes sourdes et malentendantes ont plus ou moins le même niveau de formation que les personnes qui entendent bien, mais en comparaison avec ces dernières, elles sont sous-représentées dans les fonctions dirigeantes et bénéficient plus rarement d’une promotion. «En raison des entraves dans la formation continue professionnelle, il y a un danger que les personnes sourdes/malentendantes soient exclues des formations continues internes» (Hille et al. 2020, p. 28).
Le projet pilote «Formation inclusive»
Depuis sa création en 2015, Travail.Suisse Formation (TSF) s’est donné pour credo la «formation continue pour toutes et tous» et a réalisé, avec l’entrée en vigueur de la loi sur la formation continue de 2017, un projet visant à «améliorer l’accès des personnes aveugles et malvoyantes à la formation continue publique». En coopération avec des associations de personnes aveugles et malvoyantes ainsi qu’avec des personnes avec un handicap visuel, TSF a élaboré une liste de critères à l’intention des organisations de formation qui souhaitent ouvrir leurs offres aux personnes avec un handicap visuel (cf. TSF 2020). Pour la période FRI 2021-2024, TSF s’est fixé comme objectif de mettre en œuvre ce fondement, et a trouvé dans l’Association des Universités Populaires Suisses AUPS le partenaire de coopération idéal pour mener un projet pilote. Le troisième partenaire de coopération était la Fédération suisse des aveugles et malvoyants (FSA), déjà impliquée dans le projet précédent, ce qui a permis de garantir des connaissances spécialisées spécifiques au handicap visuel ainsi que la prise en compte des intérêts des personnes malvoyantes.
Dans le projet pilote, nous avons dans un premier temps initié et formé le personnel de trois sites d’universités populaires à la mise en œuvre d’une formation continue accessible à toutes et tous. Ensuite, des personnes-test aveugles et malvoyantes ont été envoyées sur ces sites afin de constater si les adaptations mises en œuvre étaient réalisables, suffisantes et satisfaisantes pour toutes les parties. Pour l’évaluation du projet pilote, plusieurs perspectives ont été prises en compte et analysées, tant pour la formation d’introduction que pour la phase de test:
- personnel administratif, formatrices et formateurs des universités populaires
- personnes-test avec handicap visuel et
- personnes participantes sans handicap visuel
- équipe du projet (responsables TSF, AUPS et FSA)
Expériences acquises lors de la mise en œuvre de la formation d’introduction
L’élément le plus important que je crois avoir appris, c’est le fait de respecter l’autonomie et l’indépendance des personnes malvoyantes. Bien souvent, nous les traitons comme des enfants et oublions de leur laisser le temps de nous dire ce dont elles ont besoin.
Pour la mise en œuvre de la liste de critères, les partenaires du projet ont prévu une formation d’introduction pour le personnel formateur et administratif. En concertation avec la représentation des intérêts de la FSA, le projet pilote s’est essentiellement concentré sur des cours de langues. La participation était volontaire, de sorte que la motivation personnelle était assurée.
La formation d’introduction comprend 1) une sensibilisation de base au cours de laquelle la FSA présente, avec des personnes aveugles ou malvoyantes, les formes et impacts des handicaps visuels, et permet d’en faire une expérience personnelle au moyen de simulations, et 2) un module de transfert au cours duquel le personnel formateur et administratif acquiert des compétences pour adapter les cours, en privilégiant une communication et un enseignement accessibles à toutes et tous. Les indications contenues dans la liste de critères ont été précisées et pratiquées avec les personnes participantes. Pour les deux modules, nous avons également prévu suffisamment de discussions, de pistes de réflexion et d’occasions de poser des questions.
Comme l’a montré l’évaluation, les personnes participantes ont jugé que la structure de la formation d’introduction était fondamentalement judicieuse, même si quelques-unes d’entre elles auraient souhaité que l’on raccourcisse, et d’autres que l’on approfondisse certains aspects. Dans le module de sensibilisation de base (1), c’est surtout l’échange avec les personnes concernées qui a été apprécié; ce dernier a également généré une réflexion durable sur des adaptations nécessaires, qui s’est manifestée dans le module de transfert. La simulation de la cécité et du handicap visuel lourd, qui a permis aux personnes participantes de cerner comment l’on ressent une formation si l’on est aveugle ou malvoyant, a eu un effet similaire. «Je me suis sentie insécurisée, en partie anxieuse, mais j’ai également ressenti des sentiments rassurants en me focalisant sur l’écoute», a déclaré une formatrice à propos de cette expérience de simulation.
Dans le module de transfert (2), les personnes participantes ont accordé une importance particulière aux bases transmises ainsi qu’à l’entraînement à la création de documents accessibles. La plupart n’avaient que peu, ou pas du tout, de connaissances dans ce domaine. Ainsi, une formatrice, qui a dû mettre en œuvre ce qu’elle avait appris dans la phase de test, a déclaré: «La formation était très utile, notamment les conseils pour concevoir des documents accessibles.»
Les aspects sociaux ont également fait l’objet d’un entraînement au moyen de jeux de rôles pour des entretiens préparatoires ou des séquences de formation continue adaptées. Ceci a donné lieu à des moments-clés de compréhension, qui ont également éliminé des préjugés: «L’élément le plus important que je crois avoir appris, c’est le fait de respecter l’autonomie et l’indépendance des personnes malvoyantes. Bien souvent, nous les traitons comme des enfants et oublions de leur laisser le temps de nous dire ce dont elles ont besoin.
Un engagement supplémentaire qui en vaut la peine?
Dans les rondes de discussion et de réflexion, il a été question à plusieurs reprises de l’effort supplémentaire au niveau du langage, qui va de pair avec l’inclusion, et dans quelle mesure celui-ci est justifié ou compensé. L’adaptation initiale des documents et des sites Internet implique effectivement du travail supplémentaire. En guise de solution, l’équipe du projet a décidé de ne pas placer la barre trop haut pour l’accessibilité, mais de miser sur la faisabilité en se concentrant sur les principes essentiels, et non pas sur tous les détails techniques. Ainsi, nous avons certes montré comment rendre des documents lisibles pour toutes et tous, et quels fondements de l’accessibilité sont particulièrement importants. Parallèlement, nous avons toujours insisté sur l’importance de l’attitude individuelle. Par exemple, la mise à disposition d’un texte alternatif contenant des illustrations et des graphiques peut être intégrée dès le départ, ou alors, si de tels textes alternatifs font défaut dans les matériels d’enseignement plus anciens et non accessibles, les formatrices et formateurs veillent systématiquement à décrire oralement ces éléments pendant le cours et à permettre ainsi de les saisir. La prise de conscience de la nécessité de rendre accessibles des informations qui ne sont disponibles que visuellement est ainsi plus importante qu’une accessibilité «parfaite» vue de l’extérieur, mais qui n’est pas vécue au quotidien. Si toutes les salles sont indiquées par des inscriptions en braille, mais que l’on ne gère pas d’autres entraves existantes dans l’agencement du cours, l’«enveloppe» parfaitement accessible ne sert pas à grand-chose.
Par ailleurs, l’équipe du projet a pu s’appuyer sur les compétences sociales existantes du personnel formateur et administratif, et a souligné le principe selon lequel les personnes avec un handicap visuel ont des besoins individuels dont il faut tenir compte le mieux possible dans l’esprit d’une approche basée sur le service.
Formations continues inclusives avec des personnes-test ayant un handicap visuel
J’étais très intéressé par le cours. Mais avant qu’il démarre, je n’étais plus très sûr que c’était vraiment ce qui me convenait. J’imaginais que je serais à la traîne des autres participants, ou même que je les freinerais.
À la suite des formations, l’équipe du projet a cherché des personnes aveugles et malvoyantes intéressées, prêtes à tester les sites qui avaient bénéficié de la formation et dont les offres étaient dorénavant (plus) inclusives. Cette recherche a représenté un réel défi, car l’offre était limitée aux cours des formatrices et formateurs qui avaient suivi la formation. Des inhibitions du côté des personnes participantes avec un handicap visuel ont également joué un rôle: «J’étais très intéressé par le cours. Mais avant qu’il démarre, je n’étais plus très sûr que c’était vraiment ce qui me convenait. J’imaginais que je serais à la traîne des autres participants, ou même que je les freinerais. Ma fille m’a encouragé à y participer malgré tout.» Une autre personne a même choisi, pour des raisons similaires, de suivre un cours de langue inférieur à son niveau: «Pour être certaine de suivre, j’ai pris la décision de suivre le cours au niveau inférieur.»
Le fait que le personnel administratif qui a établi le premier contact avec les personnes-test ait su, grâce à la formation d’introduction, se pencher avec sensibilité sur leurs besoins, a énormément aidé à lever leurs inhibitions. Les leçons d’essai, dont la possibilité a été proposée dans deux cas, y ont également contribué. «Après la leçon d’essai, mes inquiétudes se sont dissipées et je me suis senti bien, car [la direction du cours] s’est très bien occupée de moi, et les autres personnes présentes ont favorablement accueilli ma participation.»
Ces expériences positives générées dès le départ se sont poursuivies au fil de la phase de test. Les personnes-test n’ont pas fait état d’expériences négatives. Les personnes avec une bonne vue qui ont suivi les mêmes cours ont également en majorité vécu la participation des personnes malvoyantes comme un enrichissement. D’une part sur le plan relationnel, parce que cette rencontre a renforcé la compréhension mutuelle: «Le contact avec [la personne-test avec handicap visuel] est très précieux pour moi, car auparavant, j’avais effectivement un blocage lorsque je rencontrais en chemin des personnes malvoyantes.» D’autre part, les personnes participantes sans handicap ont apprécié certaines adaptations dans le cadre du cours, par exemple l’épellation complémentaire de nouveaux termes.
Les formatrices et formateurs ont également trouvé l’enseignement inclusif enrichissant. Certes, la planification des leçons a exigé davantage de temps. Il fallait tout à la fois adapter les documents et réfléchir pour certains exercices à la manière dont ils fonctionneraient le mieux pour des participantes et participants avec un handicap visuel. L’équipe du projet a constaté que les formatrices et formateurs ont vécu ce défi comme un challenge créatif et, au vu du résultat favorable, ont jugé qu’il en valait la peine: «Par semaine, [j’ai mis] jusqu’au double du temps normal de préparation, mais c’est normal car dès qu’il y a une nouvelle personne en classe, je passe plus de temps à préparer selon ses besoins. C’était une pression d’avoir une personne malvoyante en classe, car pour moi, c’était un terrain inconnu. Mais l’expérience est incroyable!»
Questions d’attitude, obstacles à la mise en œuvre et retombées favorables
Depuis la réalisation du projet pilote, TSF, de même que l’AUPS, a pu sensibiliser, conseiller et former encore d’autres prestataires de formation. Dans ce contexte, les expériences acquises au cours du projet pilote ont été confirmées et en partie accentuées, mettant notamment en évidence l’importance de l’attitude individuelle.
De la part des participantes et participants, la question de l’effort supplémentaire a souvent été posée, surtout lorsque la responsabilité de l’effort initial d’adaptation dans le domaine de l’accessibilité était laissée aux formatrices et formateurs. Dans les institutions de formation qui ont contraint l’ensemble de leur équipe à participer à la formation d’introduction (de sorte qu’il y avait sans doute moins de personnel formateur et administratif intrinsèquement motivé parmi les personnes présentes), certaines personnes participantes ont plutôt fait preuve d’une attitude de rejet. Ainsi, un participant à une formation d’introduction a déclaré que les attentes relatives à l’inclusion étaient exagérées et que ce projet d’inclusion était de toute façon voué à l’échec, d’autant plus qu’il exigeait trop d’efforts qui n’étaient pas compensés, et que l’on ne parviendrait pas non plus ainsi à une société plus inclusive. Selon lui, dans des pays plus avancés que la Suisse sur le plan de l’éducation inclusive, on reconnaîtrait à présent qu’il était tout de même plus simple et satisfaisant pour toutes et tous d’avoir une scolarité séparative. À maintes reprises, même des participantes et participants favorables au projet ont exprimé l’opinion que l’enseignement serait certainement ralenti si des personnes avec handicap visuel y participaient.
Pour la participation de personnes aveugles et malvoyantes, les formatrices et formateurs se voient par ailleurs confrontés à des défis pratiques pour lesquels on ne peut pas toujours trouver une solution définitive, par exemple dans les cours de langue A1 pour migrantes et migrants, où l’on mise souvent sur des images pour développer un vocabulaire de base. Cependant, les formatrices et formateurs ont régulièrement apporté la preuve de leur capacité d’innovation et de leur engagement lors de la recherche de solutions. Ainsi, une enseignante d’allemand comme langue secondaire a fait appel à une participante voyant bien comme assistante bénévole d’un participant aveugle. Cette personne a (de sa propre initiative) adapté les documents pour le participant aveugle la veille de chaque journée de cours, et effectué avec lui les exercices de dialogue de façon adaptée. Dans ce cas, on a également pu voir que l’effort d’adaptation dans le contexte de ce cours de langue A1 était important, et que la formatrice n’aurait guère pu l’assurer sans aide.
Un retour à propos d’une séquence d’exercices a montré qu’il peut aussi s’avérer payant pour les formatrices et formateurs de créer des documents accessibles à tous, car on simplifie souvent ainsi la structure des documents d’exercice. De telles adaptations accroissent la convivialité pour les autres personnes participantes également: «Cela aide à déterminer ce qui est vraiment pertinent pour l’exercice, quels contenus ne sont au fond pas nécessaires et lesquels peuvent même prêter à confusion.»
Mais ces expériences ont également fait ressortir que pour maintenir la motivation de toutes les personnes impliquées, il est essentiel que les personnes participantes avec un handicap visuel engagent de leur côté également un effort supplémentaire et le rendent visible, en se familiarisant avant le jour du cours avec les documents fournis au préalable, afin que la leçon puisse se dérouler au rythme prévu.
Facteurs de réussite et écueils pour une formation continue plus inclusive
Sur la base des expériences acquises lors de la mise en œuvre du projet et des formations consécutives, on peut retenir des facteurs de réussite, mais aussi des écueils pour une formation continue plus inclusive, tant au niveau du système et de l’organisation que sur le plan individuel.
Au niveau du système, TSF identifie le manque de conditions-cadres pour une formation continue inclusive comme un défi: à l’heure actuelle, les organisations privées de formation continue en Suisse ne sont pas tenues d’assurer l’accessibilité pour toutes et tous, tandis que celle-ci va devenir obligatoire dans l’Union européenne pour les prestations de services privées à partir de mi-2025 (cf. European Accessibility Act 2019). Par ailleurs, à l’heure actuelle, les organisations de formation continue, même privées et semi-privées, ne reçoivent pas de soutien financier pour des mesures dans le domaine de l’accessibilité, d’autant que l’article relatif à l’égalité dans la loi sur la formation continue ne vise que des efforts et ne présente aucun caractère de mise en œuvre ou d’encouragement1. Tant que l’inclusion dépend uniquement de la bonne volonté d’individus, d’un personnel formateur et administratif engagé, il n’est pas possible de la faire progresser sur le plan du système. Même des arguments économiques en faveur d’une meilleure accessibilité, tels que l’augmentation de la convivialité, de l’innovation et de la portée, ne suscitent que peu d’écho sans des prescriptions correspondantes. Notamment chez les petits prestataires, les ressources qui seraient nécessaires pour l’effort initial sont limitées (par exemple pour la mise en place d’un site Internet accessible à toutes et tous). Souvent, les directions des organisations accordent la priorité à d’autres défis, tels que la pénurie de ressources ou la numérisation, de sorte que l’inclusion des personnes en situation de handicap est malheureusement reléguée au second plan. Ceci apparaît également à l’issue du projet pilote dans les universités populaires: les cours qui avaient été proposés sous forme inclusive pendant la phase de test continuent actuellement à être réalisés avec succès sous cette forme. Une extension à d’autres cours n’est toutefois prévue pour l’instant que dans des cas isolés.
Au niveau de l’organisation et de l’individu, la question permanente du rapport coût/bénéfice place des obstacles supplémentaires sur le chemin: une vision inclusive et largement ancrée d’une formation continue accessible à toutes les personnes participantes fait défaut. Dans le contexte de l’individualisation, de l’orientation croissante vers les besoins de plus en plus divers des participantes et participants, il est étonnant que l’intégration des personnes en situation de handicap soit jugée trop lourde, et que leur inclusion et leur participation n’aient pas déjà touché depuis longtemps la mentalité générale. Si les organisations de formation intègrent l’inclusion dans leur stratégie et leur culture d’entreprise, on aura fait un pas fondamental en avant. Par ailleurs, il est important de renforcer le personnel administratif et formateur sur le plan aussi bien technique (adaptations pour l’accessibilité) que social (dans le but d’éliminer les réticences), afin qu’il propose dès le premier contact des formations continues inclusives et qu’il sache se montrer ouvert envers les participantes et participants avec un handicap (visuel). Dès que cette base est établie, une expérience positive pour toutes les parties impliquées est possible. Un accompagnement complémentaire avec soutien professionnel (par exemple par conseil ou intervision) où l’on peut évoquer les questions se posant au cas par cas peut avoir un impact favorable supplémentaire. Il serait également important que l’expertise en matière de participantes et participants avec des besoins éducatifs particuliers soit regroupée et assurée, en définissant une personne ou un service de contact pour les personnes apprenantes en situation de handicap (visuel), qui puisse garantir ce transfert d’information interne (cf. TSF 2023, p. 4).
Du côté des personnes avec un handicap sensoriel également, une sensibilisation est nécessaire. Notamment parce que l’inclusion ne correspond souvent pas à leur réalité quotidienne et qu’elles ont aussi vécu des expériences d’exclusion durant leur parcours de formation, il y a des inhibitions à surmonter. Une étroite collaboration avec leurs associations d’intérêt aide à générer la confiance.
Exprimées de façon positive, les ressources (financières), des conditions-cadres et des prescriptions claires, ainsi qu’une vision inclusive de la formation continue et des compétences en matière d’inclusion sont donc considérées comme d’importants facteurs de réussite. Outre ces aspects, il s’agit d’aller vers les autres dans un esprit ouvert. Quiconque est prêt à assumer un effort initial supplémentaire pour l’inclusion améliore durablement ses processus et ses offres.
Perspectives
Entre temps, il y a eu d’autres demandes pour des formations d’introduction, des consultations ou des conférences, qui sont en voie de réalisation. Eu égard au besoin en matière d’inclusion, la demande devrait encore progresser. Le thème de l’inclusion des personnes en situation de handicap et ayant des besoins éducatifs particuliers n’est pas un sujet tendance, mais nous occupera sur le long terme. TSF et l’AUPS souhaitent poursuivre le développement de la vision inclusive de la formation continue et réaliser la «formation continue pour toutes et tous». L’AUPS a étudié les besoins de formation continue de participants et participantes de plus de 65 ans, et a publié en 2023 la «Charte suisse pour la formation continue 65+» (AUPS 2023). Pour sa part, TSF a élaboré un guide en coopération avec des personnes sourdes et malentendantes et mis l’accent sur leurs besoins, selon l’exemple de la liste de critères pour les handicaps visuels (Travail.Suisse Formation 2023).